« C’est rien ! » / « C’est pas grave ! »
… et si pour l’enfant ça n’était pas rien ? Et si dans les yeux de l’enfant c’était « grave » c’est à dire sérieux, important ?
« C’est rien! » ou « C’est pas grave! », voilà 2 petites phrases que nous utilisons tous souvent, comme un réflexe, comme une formule magique ou un remède répondant à toutes les situations. Peut-être à tort….
Exemple de situation :
L’enfant trébuche et s’égratigne le genou ou bien il casse un jouet avec lequel il jouait tout le temps…. et là, par réflexe, voire en pensant bien faire, on lui dit : « C’est pas grave, c’est rien (du tout) ! ». Ou bien, dans le même esprit, « C’est pas un drame, tu en verras d’autres ! ». Tout cela étant très souvent suivi d’un « Arrête de pleurer ».
Alors, se pose la question de savoir pourquoi nous lui disons cela ? Et en quoi nous pensons que ça va aider l’enfant à (mieux) gérer la situation ? Et si, en fait, nous lui disions cela dans le but de le calmer, de l’apaiser… mais pourquoi en ressentons-nous le besoin ? Est-ce parce que ses pleurs (nous) dérangent ? Ou est-ce parce que nous avons l’impression que ses pleurs dérangent les autres autour de nous (quand cela se produit en public) ?
Sauf que, pour l’enfant, ce n’est pas « pas grave », et ce n’est pas « rien ». Il s’est fait mal, il a peut être même eu peur et il a besoin d’exprimer cette douleur et cette peur ! Et il a besoin de réconfort ! Et il ne s’intéresse pas au regard des autres! Il en va de même pour l’exemple du jouet cassé : pour lui cet événement (car il s’agit bien d’un événement) n’est pas « pas grave », et cela n’est pas « rien ». Il était certainement très attaché à ce jouet et il ressent sûrement une grande tristesse d’avoir cassé ce jouet auquel il tenait tant.
En fait, à l’opposé de l’effet recherché, ces expressions minimisent voire renient le ressenti de l’enfant. Elles lui apprennent à cacher ses émotions, comme s’il ne devait pas les exprimer voire même pas les ressentir du tout. Elles impliquent même une forme de pessimisme (sous-entendu « tu en verras d’autres »). Sauf que, au lieu de rendre plus « fort » l’enfant, elles l’affaiblissent car elles détraquent son système interne de décision (basé sur les émotions), l’exposent à de futures « explosions » émotionnelles (libération soudaine d’une émotion bloquée, reniée) et, surtout, ralentissent la maturation de son cerveau : son cortex préfrontal ne grandit pas comme il le devrait, retardant ainsi son rôle de régulateur émotionnel. De plus, sur le plan social, ces expressions trahissent aussi une incompréhension venant de l’autre (un défaut d’empathie) formant un complexe chez l’enfant qui le pousse à ne pas partager ce qu’il ressent. Au contraire, il est même possible que l’enfant réagisse en pleurant encore plus car il se sent totalement incompris…
Et si certains parents peuvent se dire : « de mon côté, mon enfant comprend que ce n’est rien ou pas grave car il arrête de pleurer »… eh bien non, ce constat est erroné. L’enfant a bel et bien ressenti de la peur, de la tristesse, de la douleur…. Pourquoi il a cessé de pleurer alors ? Tout simplement parce qu’il a fini par apprendre à nier lui aussi son émotion ou par la garder en lui… car l’adulte ne lui a jamais permis d’exprimer son émotion.
Alors, maintenant, nous pouvons nous demander comment réagir devant les émotions de l’enfant ?
Quand on commence à s’intéresser à l’éducation bienveillante et à l’éducation émotionnelle, on se rend compte qu’une grosse partie du “travail” consiste en l’accueil des émotions : simplement être là, entendre et recevoir la peur, la douleur… avec un regard bienveillant, sans forcément fournir une solution ou une technique de régulation de l’émotion (c’est à dire pour faire passer l’émotion). Proposer des techniques de régulation des émotions ne doit jamais venir remplacer cet accueil, cette reconnaissance de l’émotion en cours (chez les enfants mais cela est vrai chez les adultes également).
Au contraire, quand l’enfant pleure, il est déjà dans la résolution de son problème car il est dans la décharge physiologique de son émotion. Les pleurs sont donc utiles et bienfaiteurs. On n’a pas besoin d’empêcher les enfants de pleurer car, au contraire, les larmes sont une manière de soulager la tristesse, la peur, la colère, la honte… Tous les humains ont besoin de pleurer pour laisser sortir la souffrance liée à une blessure (qu’elle soit émotionnelle ou même physique d’ailleurs). Évacuer l’émotion par les pleurs est une manière qu’a trouvé la nature de « guérir » les humains, de leur laisser la possibilité de rebondir après une douleur, de se relever face à une épreuve… Ainsi, permettre à l’enfant d’aller au bout de ses pleurs dans un cadre bienveillant de sécurité affective est utile pour sa santé émotionnelle. Il est important de laisser ce droit aux enfants de pleurer (ou d’être en colère, de s’exciter…), que ce soit chez les filles ou chez les garçons (éviter les « les garçons ça pleurent pas ! » péremptoires).
Entendre et accueillir l’émotion d’un enfant c’est, par exemple, lorsqu’il s’est fait mal: prendre l’enfant dans ses bras et lui dire « Tu t’es fait mal et tu as dû ressentir de la peur. Je comprends. »
De la même façon, s’il a cassé son jouet : « Tu es triste car ton jouet est cassé, je comprends. »
Un câlin est alors le meilleur réconfort qui soit.
Il s’agit donc d’accepter ce qu’il ressent et/ou ce qu’il a vécu, et de l’aider à mettre des mots sur ses émotions. L’enfant se sentira alors compris et libre d’exprimer son émotion par la suite.